Le révérend-père Luis Coloma n’est pas un jésuite comme les autres. Andalou de naissance, c’est à Bilbao qu’il a passé une bonne partie de son existence dans la Compagnie de Jésus. Et c’est dans ce pays basque que l’écrivain français René Bazin, à la fin du XIXe siècle, put avoir la joie de le rencontrer et de converser longuement avec. Il en parle dans son Terre d’Espagne, beau recueil de notes de voyage.

La préface de l’auteur à ses Récits espagnols (en langue originale : Lecturas recreativas) est un véritable petit traité de littérature catholique. Le but d’édification qu’il se donne n’empêche ni la récréation de l’esprit, ni les anecdotes particulièrement croustillantes et amusantes. Chaque nouvelle, indépendante des autres, est inspirée d’histoires vraies.

Les quelques récits que nous offrons aujourd’hui au public, parurent d’abord dans El Mensajero del Corazón de Jesús de Bilbao. L’auteur les recueillit ensuite en volume et les publia, en 1885, sous le titre de Lecturas recreativas.

Spécialement écrit pour la jeunesse, l’ouvrage a pour but de flageller les vices et les travers de la société, et de donner « à ceux qui n’ont que du dégoût pour tout ce qui, de près ou de loin, touche à la dévotion », une lecture saine, attrayante, instructive et toute « pleine des divines leçons du Cœur Sacré de Jésus ».

Écrites d’une plume alerte et vigoureuse, ces captivantes nouvelles toutes basées sur des faits historiques, furent justement remarquées : elles eurent même la bonne fortune d’être considérées, au lendemain de leur publication, comme un événement littéraire.

Un éminent critique espagnol, après avoir analysé chacun de ces récits et comparé leur auteur avec Pereda et Trueba, deux célèbres romanciers andalous, écrivait dans la Revista Popular de Madrid en 1885 : « Personne ne sait raconter avec plus de vérité que le père Luis Coloma un épisode de la vie réelle : personne mieux que lui ne sait peindre avec plus de naturel, de couleur locale, un cercle de famille, un intérieur, les gens, les traditions et les coutumes du pays. »

« Voici l’intéressant portrait que M. René Bazin a tracé du père Luis Coloma, dans la Revue des Deux Mondes de février dernier :

» “C’est un homme d’un peu plus de quarante ans, assez grand, assez fort, d’un accueil très simple. Il a le visage carré, les traits réguliers, les sourcils nets et noirs et une expression habituelle de lassitude, ou plutôt, il est de ces maladifs qui ont une physionomie à éclipses. Le jeu instinctif des muscles est devenu un effort chez eux. Mais, dès qu’il parle, les yeux s’animent Le sourire est fin, spirituel, je dirais presque involontairement mondain. On sent très bien que ce religieux a souri dans un salon.” »