L’un des chefs-d’œuvre (il en a écrit plus d’un) de José María de Pereda, académicien espagnol, est enfin réédité !

Il s’agit de Sotileza, roman « costumbriste » qui nous fait entrer dans la vie typique des milieux de pêcheurs de Santander, en Cantabrie, région natale de l’auteur. Ce magnifique panorama maritime a, entre autres, inspiré l’académicien français René Bazin pour son Gingolph l’abandonné, paru vingt ans plus tard en 1914.

L’écrivain angevin s’est d’ailleurs empressé de rencontrer, lors de son premier voyage dans la péninsule Ibérique, son homologue espagnol.

Une pure merveille, tout en dépaysement !

« Ce que je connaissais des œuvres de M. de Pereda m’avait appris qu’il était un grand artiste, un styliste achevé et un écrivain fécond à la fois. J’avais présente à l’esprit cette description d’un chêne-rouvre, par où débute El Sabor de la tierruca, et qui tient trois pages, des plus fortes qu’on puisse lire. En voyant l’homme, mon impression première s’affirmait. Oui, j’avais devant moi, et j’en ressentais pour lui une sorte de respect ému, un de ces esprits d’élite, faits pour voir, pour comprendre et pour révéler à lui-même le monde qui s’ignore, un de ceux, plus rares encore, qui, possédant cette richesse, n’en ont pas abusé.

« – Je sais que vous êtes très aimé, lui dis-je. Vous vivez, dans ce cabinet de travail, au milieu de souvenirs de vos admirateurs. Il y en a qui sont un hommage bien délicat, et qui doivent vous toucher : ce grand tableau, par exemple ? Une scène de Sotileza, n’est-ce pas ?

« Nous traversâmes ensemble l’appartement. Au fond, occupant presque tout le panneau, une grande marine représentait une barque, lancée par dix rameurs, gouvernée par un vieux pêcheur debout à l’arrière, et qui franchit les deux lames de la barre de Santander. au bas, un cartouche portait ces trois mots : “¡Jesús, y adentro!

« – C’est un présent de la ville de Santander, me dit M. de Pereda, qui me fut offert, par souscription, quand je publiai Sotileza. vous voyez, l’homme de barre, le vieux, qui a la responsabilité de la manœuvre, vient de jeter l’invocation traditionnelle, à laquelle ne manquent pas nos marins, même aujourd’hui, par beau ou par mauvais temps ; elle est difficile à traduire, elle signifie, à peu près : “Jésus ! et confiance maintenant, nous entrons au port !” » — René Bazin, dans Terre d’Espagne (1894).