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Le père Coloma nous régale de ses « Bagatelles »

Le père jésuite Luis Coloma s’est fait connaître dans le monde littéraire en publiant ses Bagatelles (titre espagnol original : Pequeñeces) sous forme de roman feuilleton dans Le Messager du Cœur de Jésus de Bilbao, en l’an de grâce en 1890-1891. Le tout fut aussitôt publié sous forme de volume en Espagne, rencontrant un succès retentissant – ce qui ne put que mettre la puce à l’oreille d’un éditeur français qui traduisit et publia le texte en France dès 1893.

En 1894, lors de son premier voyage en terre hispanique, René Bazin s’empressa de rencontrer « l’illuste auteur de Pequeñeces », à savoir le R.P. Luis Coloma S.J.

« Ami lecteur, lecteur, si tu connais la vie et les misères humaines, si tu es courageux, si tu aimes la vérité, tout amère qu’elle soit, ouvre sans crainte les pages de ce livre : tu n’y trouveras rien que tu ignores, qui t’étonne ni qui t’offense. si tu es d’âme pieuse et timide, si tu n’es pas sorti de ces limbes de l’entendement où nous enferme le manque d’expérience plutôt que l’innocence du cœur, si la vérité te scandalise, parce qu’elle est nue, et blesse ton amour-propre, parce qu’elle est rude, arrête-toi —ou du moins, n’avance pas sans écouter ce que je dois t’apprendre. […]

» Que si enfin, après m’avoir concédé raison sur tous ces points, tu juges cette histoire singulièrement profane et malséante à la gravité du journal qui l’a publiée (Le Messager du Sacré-Cœur de Jésus de Bilbao), considère que ses abonnés ne sont pas tous, ainsi que toi sans doute, pieux et uniquement occupés de lectures spirituelles. parmi eux figurent des femmes du monde à côté d’abbesses vénérables, des oisifs et de joyeux jeunes gens avec des congréganistes de Saint-Louis. il faut que chacun trouve des aliments substantiels et agréables. un palais blasé n’accepte de mets salutaires que s’ils sont convenablement épicés. À combien d’affamés doit-on faire
absorber en petites doses, par surprise et, pour ainsi dire, relevée d’une sauce honnêtement profane, la divine nourriture du Christ ! Au-dessus de la charité qui consiste en aumônes, je place celle qui comprend et réconforte les défaillances humaines. C’est elle qui m’a fait prendre la plume, dût-on me reprocher, ainsi que je l’ai déjà entendu, d’abaisser le caractère ecclésiastique à des frivolités. Comme si, pour la charité, descendre était se ravaler !…

» Et maintenant, ami lecteur, demeure en paix. Libre à toi, s’il te plaît, d’ouvrir ces pages ou de te dérober. Mais je crains que tu ne brûles de les lire et que tu ne les dévores lettre à lettre. Je crains — si, comme je le désire, mes arguments ne t’ont point convaincu — d’avoir excité malgré moi ta curiosité. Que Dieu soit avec toi et qu’il te bénisse. Pour moi, je retourne à ma solitude. » R.P. Luis Coloma, s.j.

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